Brano: Jean Desanti
Chers amis, en écoutant toutàl’heure l’exposé si riche de notte camarade Luporini, je voyais se dégager devant moi t’image d’un philosotphe d:e type nouve.au, d’un philosophe révolutionnaire par rapport à ceux qui avaient existé dans; le passé.
C’est cette image que je voudrais essayer de préciser. C’es,t de ce philosophe que je voudrais essayier d’esquisser briièvement le portrait.
Il existe, du philosophe, une figure traditionnelle, et Luporini l’évoquait, lorsqu’il panlait du fondateur de la phénoménologie, Husserl. Husserl a lui mème défini cette tàche — sa tàche — philosophique, lorsqu’il a dit : « Je suis le fbnctionnaire de l’humanité ».
Qu estce que cela veut dire dans son esprit? Cela veut dire que le philosophe se p'résente cornine quelqu’un qui inaugure véritablement la philosophie, comme quelqu’un qui tient en ses mains, et en ses seules mains, le sort de toute vérité; de telle sorte que les: autres n’aient p*lus qu’à necevoir cette vérité qu’il dit. Son dessein philosophique se présente devant lui comme le projet dune sèrie de démarehes par lesquelleis toute véirité pensabile au monde sera dite, mais par lui sieul.
Telle est du moins sa p'rétention. Mais comment est elle mise en oeuvre; et que rencontfetelle sur son chemin? Précisément elle rencontre 'le mionde, le monde dans lequel les hommes pensent et agissent.
Et visàvis du monde, le philosophe, pour, conserver pur son dessein de vérité, prend une attitude de dófiance et de retrait. Il se retranche du monde, il se retine dans sa différence; dès lots sa philosi[...]
[...]iment théorique: voilà me semblentil un souci en lui mème déjà philasophique.
Ce souci me semble toutàrfait fondé et de nature à éviter au phiiosophe de profession quelques mécomptes. On sait, en effet, qu’un problème tourmente le phiiosophe; celui du commencement de la philosophie, de 'la déterminati'On de la philosophie comme prò jet de vérité pur de tout préjugé: le problème d’une philosophie sans présuppositions, comme disait Husserll.
Cette prétention, Gramsci mentre comment elle s’effondre. Il n’y a pas de commencement absolu de la philosophie, mais il y a toujours,Jean De santi
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déjà élaborée, une certaine philosophie, un oertain degré de philosophie, une « philosophie commune ». Chacun y a accès du fait mème qu’il partecipe d’un mouvement de culture en voie de conisititution, et du fiait que ce mouvement cherche son chemin vers la .claire conscience et la forme d’expression universelle que peut lui donner la pensée par concepts.
Une formule revient à plusieurs raprises sous la piume de Gramsci : « c’est — ecritil[...]
[...] lui mème, qui fait rapprentissage de lui mème et de ses moyiens de connaissance dans les actes par lesquels il afEronte le monde et l!es problèmes que k société lui pose. Dire que « c’est l’homme qui philosophe », c’est donc comprendre la philosophie cornine phénomène de culture, camme élémente en développement au sein de la conscience sociale, élément capable de se refléchir soimème en réfléchissant ce développement.
Si nous creusons un peu cette idee, nous allons voir alors apparaìtre une sèrie de oonséquences fondamentales.
Et en premier lieu celieci. Si ce qui vient d’ètre dit est vrai, alors il existe un sens fort du mot philo'sophie. La philoisophie ne peut plus ètre seulement l’oeuvre d’un penseur solitaire qui repenserak le monde pour soi et dans la paix id’un mouvement de réflexion qu’aucun souci du monde ne viendrait jamais troubler.
> La philosophie pour Gramsci est un mouvement réel, socialement constitué, au cours duquel s’affrontent et deviennent conscients les confiits qui opposent les claisses sociales dans une fo[...]
[...]e qui repenserak le monde pour soi et dans la paix id’un mouvement de réflexion qu’aucun souci du monde ne viendrait jamais troubler.
> La philosophie pour Gramsci est un mouvement réel, socialement constitué, au cours duquel s’affrontent et deviennent conscients les confiits qui opposent les claisses sociales dans une formation économique et sociale donnée prise à un stode donné de son développement.
Gramsci a insistè particulièrement sur cette idée, que la période historique au couds de laquelle une classe sociale se constitué cornine « classe pour soi » et cherche le chemin de l’hégémonie, développe devant soi, pour ainsi dire, un domaine d’idées eneore en devienir, enoore nébuleux, un ensemble d’exigences qui prennent racine dans l’activité pratique des classes en présence et se nourrissent de cette activité.
Ce complexe, que nous pouvons lappeler « idéopradque », constitue la terrain où peuvent prendre naissance les concep'tions élaiborées du monde, dans lesiquelles se tissie, au moyen de l’usage de la pensée.556
Gli interventi
par ooncepts, un lion organique etntre les instruments objectifs dont ia société dispose, et les projets politiques ©t idéologiques que les classes en lutee proposent pour résoudre ou pour se représenter les contradictions résultant de leur pratique.
Gramsci lindique qute cette élaboration peut ètre l’oeuvre d’un grand penseur individuel. Mais elle n[...]
[...]onstitue la terrain où peuvent prendre naissance les concep'tions élaiborées du monde, dans lesiquelles se tissie, au moyen de l’usage de la pensée.556
Gli interventi
par ooncepts, un lion organique etntre les instruments objectifs dont ia société dispose, et les projets politiques ©t idéologiques que les classes en lutee proposent pour résoudre ou pour se représenter les contradictions résultant de leur pratique.
Gramsci lindique qute cette élaboration peut ètre l’oeuvre d’un grand penseur individuel. Mais elle ne peut se produire que sur le fond de ce qui a été déjà élaboiré par le développement de la pratique sociale.
On voit que dans cette conoeptioin de la philosophie le moment subjectif, le moment individuel n’est nullement aboli. Il est simple ment pensé dans son contenu, situé comme moment spécifìque dans l’ensemble de l’activité complexe par. laquelle une philosophie est produite en tant quélément aictif, organisateur, d’une culture en devenir.
De là dérive une deuxième idée. S’il est vrai que la création dune philosophie au sens fort est à la fais universelle et individuelle le second moment cependant, le moment individuel, est, dans le développement, toujours subordonné au premier.
Ce qui distingue en effet le phil[...]
[...]r conflit mème.
Il me semble que c’est lune des originalités de Gramsci d’avoir pensé ces dieux aspects de la philosophie dans leur unité organique.
En analysant la notion d’aotivité et de création philosophique il a montré que l’expression conceptuelle propre au philosophe de profession n’est jamais que méditation vers la réalké concrète. Elle est un moyen en vue de l’élaborer. Mais elle est une médiiation nécessaire, parce que sans elle, cette réalité et la pratique mème quelle engendre resteraient tributaires des représentations immédiates, confuses, fluides et aisément mythiques propres aux formes spontanées de la conscience sociale.Jean Desanti
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Mais Gramsci me se borne pas à affirmer l’exigence dune telle unité. Son souci a été de montrer comment cette unité sopóre dune manière diffèrendée à chaque moment de l’histoire, comment en elle se constiate l’unké de la théoriie et de la pratique, et comment elle exprime par là le mouvement de rhistoire.
Or, si l’on se place, camme Gramsci, au point de vue du développement 'social, il est clair qu’une telle unité ne sapere pas de la mème manière ni au mème niveau dans toutes les formations sooiales, ni dans une «formation sociale donnée, à tous les moments de son devenir.
Il peut amver que cette unité se brise ou qu’elle ne puisse pas se oonstituer. Dans ce cas l'a philosophie se déploie coimm[...]
[...]ue moment de l’histoire, comment en elle se constiate l’unké de la théoriie et de la pratique, et comment elle exprime par là le mouvement de rhistoire.
Or, si l’on se place, camme Gramsci, au point de vue du développement 'social, il est clair qu’une telle unité ne sapere pas de la mème manière ni au mème niveau dans toutes les formations sooiales, ni dans une «formation sociale donnée, à tous les moments de son devenir.
Il peut amver que cette unité se brise ou qu’elle ne puisse pas se oonstituer. Dans ce cas l'a philosophie se déploie coimme activité abstraite, aliónée, ignorante dellemème, de son mode dapprentissage, de son mode de développement; elle se déploie comme pure spéculation. Mème alors elle continue d’exprimer le mouvement de la pratique; mais le contenu coneret de ce mouvement lui demeure mystérieux, il reste masqué au penseur par le déroulement conoepituel luimème.
Or, Gr'amsci introduit ici une distincti'on importante. Il peut arriver que ce rapp’ort à la pratique, qui est toujours présent, toujours réel, soit to[...]
[...]ndre pour tenter de comprendre, de repenser, le développement réel de l’histoire. Elle se met à l’écart de l’histoire. Elle devient, à la limite, ce que nous pourrions appeler un « divertissement réfléchi ». Mais il se peut que les concepts, élaborés au niveau de la plus haute abstraction, trouvant dans la pratique sociale le noyau et la source de la vérité, tirent leur cohésion, leur force de conviction, des exigences de développement propres à cette pratique. Il se peut qu’ils reviennent vers cette pratique; qu’ils transforment l’espdLt public et qu’ils engendrent en étant repris, repensés par des hommes vivants un nouveau «sens oommun», un nouveau « bon sens ». Alors, mème si elle a trouvé son expression réfléchie sous la forme la plus abstraite, mème si, dans cette expression, des aspects entiers du réel ont été trahis ou mutilés, la philosophie peut devenir l’affaire de tous, par ce coté pratique qu’elle développe.558
Gli interventi
Cette capacité die s’investir dans l’histoire, d’y revenir dune manière cydiq.ue aprés en avoir exprimé des exigences, est le oaractère qui distingue aux yeux de Gramsci, une grande philosophie.
De ce point de vaie, n est pas nécessairement un grand philosophe celui qui a exprimé les idées les plus rares, mais celui qui a ouvert à à son temps et aux générations suivantes des peinspectives capables de bouleverser leur oonseience, de transformer leur mode d’accès à la culture, de changer leur rapport universel et historique iau monde.
Il est possibile qu’un tei philosophe ait parie le langage t[...]
[...]istorique iau monde.
Il est possibile qu’un tei philosophe ait parie le langage techniquement élaboré par les philosophes du passé. Ainsi fit Descartes, ainsi fit Hegel. Mais il est possible aussi qu’il ait parie le langage de tous, quii ait été, pour ainsi dire, un philosophe public, et looncrètement universel. Ainsi furent par exemple les encyclopédistes frangais, et particulièrement Diderot.
Il me semblte que Gramsci a été un penseur de cette espèce, un philosophe universel, mais dun type nouveau. 11 a porté le langage de tous au degré d elaboration sufìisant pour qu en étant repensé, repris, retenu, il puisse tranformer la consicience des hommes et orienter la pratique.
Et cette remarque me conduit à la troisiéme et derniére idée.
Gramsci viviait, et nous vivons aussi après lui, dans un temps où cette unité qu’il cherchait entre la pure universalité du concept et sa racine pratique passe nécessairement par la mèdiation des luttes du prolétariat révolutionnaire. C’est là une donnée objective du développement historique.
Dès ce moment la figure du philosophe qui se veut pratique, change de nature, par rapport à celle qui était donnée dans le passé.
II n’est plus question seulement de porter au grand jour les idées qui eheminent dans les masses.
III n’est plus question seulement d elaboirer une doctrine qui servirà de modèle de pensée, et à laquelle les générations futures devront ac[...]